Renseignements > Mairie de Saint-Julien-en-Beauchêne 04 92 58 16 45
Office de Tourisme du Haut-buëch Aspres/Buëch 04 92 58 68 88
Ressources >
 Visuel jpeg (cliquer/déplacer) L'Assomption de Philippe de Champaigne
 Visuel jpeg (cliquer/déplacer) Champaigne pour tous ! l'affiche
 PDF Champaigne pour tous ! Parcours Pictural Champaign/Paris le programm
|

Jacques Paris
Elements de
biographie
Né en 1948 au
Vietnam ; Il vit en Afrique jusqu’en 1964. Il poursuit des
études artistiques à Paris de 1967 à 1972. Il va
dessiner tous les matins au Louvre les œuvres de Chardin,
Poussin, son préféré, et Delacroix. Les peintures
de la grotte Chauvet l’ont aussi profondément marqué.
Il travaille dans les Hautes-Alpes depuis 1975 où il enseigne.
Il expose depuis 1978.
Chez Champaigne, il admire la force de travail, la puissance de sa foi,
« qui seule peut produire de telles œuvres »,
reconnaît-il, lui qui n’est pas croyant.
Autre sujet de fascination, qui fait que l’artiste peut passer des
heures à travailler devant le tableau : la somme de
connaissances techniques, religieuses, scientifiques, bibliques,
historiques, linguistiques, mythologiques, nécessaires aux
peintres de l’époque pour représenter la
réalité.
« N’oublions pas que les peintres étaient alors les seuls
grands pourvoyeurs d’images. » Et puis, « Il y
a une jubilation du regard devant l’œuvre d’un autre peintre! Me
trouvant devant une œuvre du passé, il se produit quelque chose
qui est d’abord et reste un contact effectif, la réalisation
d’une extrême proximité entre elle et moi que le dessin
révèle, car il ne s’agit pas d’une interprétation,
qui suppose une distance ou une posture. »
Son travail artistique le conduit à fragmenter l’œuvre de
Champaigne en multiples Variations, et en même temps, chacune la
donne à voir toute entière. Démarche
précieuse, passionnante et éclairante pour le spectateur.
Cette démarche plastique rappelle le travail de Picasso sur les
Menines de Vélasquez et de bien d’autres : cette fascination
pour la peinture d’un grand ancien, au point de la
décliner indéfiniment comme pour en saisir le
mystère.
|
Dialogue Pictural
Champaigne, Paris.
Introduit par ce
titre léger et plein de promesses, « Champaigne pour tous
», l’exposition de Saint-Julien-en-Beauchêne est le
résultat d’un dialogue pictural
entrepris par Jacques Paris avec le tableau de Philippe de Champaigne :
L’Assomption.
Ce grand tableau, avec les dessins et les peintures qui lui font
écho, obéissent à une délectation, terme
que Paris affectionne, le tenant de Nicolas Poussin.
L’enjeu de cette exposition est de permettre au spectateur, de suivre
la relation entre deux pratiques, deux conceptions de la peinture.
Pour l’un, Champaigne, la peinture est affaire de dévotion
chrétienne ; pour l’autre, Paris, elle s’inscrit dans une
pratique où la foi est absente.
L’itinéraire de Champaigne est marqué toute sa vie par
l’élan mystique vers la figure féminine idéale.
Paris n’est pas moins habité par les textes sacrés
bibliques qu’il fréquente depuis longtemps, mais, en non
croyant, il peint la femme et non la Vierge.
Par delà les modalités de leurs peintures, l’une
ancrée dans les codes du classicisme issu de la Renaissance,
l’autre héritée des courants essentiels les plus
décisifs, selon lui, du XX siècle, cubisme et abstraction
lyrique, et au-delà de la foi de l’un et de l’athéisme de
l’autre, il existe une charnière, un lieu commun où s’est
établi le dialogue : l’Assomption, thème pour l’un, motif
pour l’autre.
Paris peint à partir de ce qu’il voit dans le tableau de
Champaigne, ce qu’il peint c’est ce que celui-ci a
déclenché en lui.
Champaigne peint une image correspondant à une iconographie
faite de règles liées aux canons de la liturgie
catholique. A ces codes acceptés, il ajoute bien sûr sa
liberté créatrice : composition du tableau, disposition
des figures, couleurs, toutes ses Assomptions sont subtilement
différentes.
Qu’ont en commun
L’Assomption de Champaigne et les peintures de Paris ?
Sans doute parlent-elles chacune du sentiment et de
l’appréhension de la non séparation du ciel et de la
terre ; sans doute aussi l’un et l’autre peintre éprouvent-ils
chacun « à leur façon », qu’il n’y a pas
forcément d’abîme entre le ciel et la terre…..
c'est-à-dire en nous-mêmes ?
L’un et l’autre devant l’Assomption
Depuis le « début » de l’histoire de Marie
(l’Annonciation), jusqu’à sa « fin » (l’Assomption),
il n’y a que la figure de l’ange pour l’accompagner. Toute cette
histoire parle du corps encombrant (cf. le dogme de l’Immaculée
Conception) , empêtré dans la matière, de sa
conception à sa décomposition «
dé-tachées ». Cette histoire parle aussi de la
dissolution du corps, de sa fusion avec La Nuée Céleste (
de même pour le Christ après sa mort), vers la vie sans
fin de la Résurrection. L’Ancien Testament dit
déjà cet encombrement du corps dans ce «
Libère moi des sangs » du Psaume 51, 16.
Dans le tableau de Champaigne, la Vierge est seule, elle occupe
l’espace supérieur « séparé » d’en bas
par les nuages qui la portent.
Paris tire de ce motif le Manteau c’est à dire l’enveloppe.
Tous deux traitent la solitude attachée à Marie : elle
est une femme seule de l’Annonciation à l’Assomption, en passant
par cette parole terrible à travers laquelle elle est
évoquée dans son humaine maternité, parole
rapportée de Jésus, son fils, peu avant de mourir :
« Qui est ma mère ? » (Mathieu).
Dans l’Assomption, Champaigne met l’accent sur la « manifestation
de la grâce qui habite cette figure perdue entre ciel et terre,
sur la sensation diffuse d’une présence cachée dans
l’espace ambiant qui se fait ainsi personnage principal du tableau.
»
Les 6 peintures Manteaux que peint Paris traitent de l’absence du corps
et interprètent cette montée céleste du corps de
Marie comme un évènement dans le bleu du ciel : le bleu
du manteau de la Vierge, dans les codes de l’iconographie mariale,
marque son appartenance céleste, mais pas le ciel
lui-même.
L’art, le beau,
la foi
La peinture de Champaigne est comme une prière, elle exprime
quelque chose que Champaigne ne peut pas inventer. L’Assomption a
été peinte pour la prière des Chartreux qui vivent
dans un désert, lieu le plus favorable pour provoquer la
rencontre avec Dieu.
Paris n’a pas dans sa peinture cette conception du Beau devant
être atteint, d’un Beau qui préexiste à l’acte qui
le trouverait. Dans ses peintures les formes sont palpitantes puisque
toujours se transformant, non définitives et inattendues.
Champaigne peint
avec la sublime assurance de celui qui a la foi
Paris n’est pas dans le doute pour autant : ses peintures sont des
espaces faits de « la variance » de toute chose.
La variance exprime, selon le philosophe et sinologue F.Jullien, qu’une
forme ne saurait être définitivement concevable sous un
seul aspect la définissant, au risque de la faire mourir. Il
souligne l’ancrage mental qui différencie radicalement les
conceptions orientales et occidentales de l’art et du Beau.
Le travail de Paris est très influencé par ses immersions
dans les cultures de l’Asie et de l’Afrique, jusqu’à l’âge
de 16 ans.
« Quiconque a la foi trouve dans les histoires bibliques la
matière dont est fait le buisson ardent de Moïse, il
brûle sans combustion ».
C’est ainsi que procéde Champaigne. Paris « ne laisse pas
pour autant ces histoires en paix ». Il en revient ensuite avec
« une poignée de cendres chaudes », comme
l’écrit Erri De Luca dans « Noyau d’olive »
où il témoigne de sa fréquentation assidue de La
Bible, bien qu’il ne soit pas croyant. Toute la journée il
revient sur ces textes qu’il tourne dans sa bouche comme on fait d’un
noyau d’olive. Champaigne peut peindre le corps de La vierge assis sur
des nuages soutenus par des anges. Ils sont tous tenus ensemble par son
sentiment religieux.
Paris voit ce tableau et peint ce qu’il appelle le Manteau, qui est une
forme faite de bleus, de gris, de noirs, de rythmes,
c'est-à-dire un instant du ciel. Il peint aussi des corps
d’anges noyés dans le flux de nuages, flottant « entre
deux eaux ».
Une quête
qui se prolonge : désir d’infini et de contemplation
En regard de la grande composition de Champaigne, Paris peint des
fragments, pas des extraits, qui ont une vie autonome. Il se produit
immanquablement là, une métamorphose de l’iconographie de
l’Assomption, transformée par une vision et une
expérience qui ne sont soumises à aucune condition
préalable du ciel-espace infiniment inatteignable.
L’Assomption de Champaigne peut s’interpréter comme « la
quête intérieure de l’homme, face à sa
liberté de penser et de croire au salut ».
Le travail de Paris sur ce tableau se détourne de la quête
de Champaigne dans « son essai et sa démonstration du sens
du visible », son « plaisir mystique », et sa «
patiente rhétorique picturale »
Paris montre, en partant des motifs de cette peinture, que ceux-ci,
à travers et par-delà leur style et leur nature
religieuse, peuvent avoir une autre vie exprimant un désir
d’infini sans métaphysique et une contemplation sans mysticisme.
L’Assomption devient pour Paris, non pas un sujet mais une source qu’il
décline en correspondances, tensions actives entres anges,
nuages, vierge, espace, paysage, éclairage.
Dans l’atelier de Champaigne, comme dans tout atelier depuis la
Renaissance, il y avait « le peintre des drapés »,
celui « des ciels », celui « des paysages
»…Lui, le Maitre , avait mis en place le projet du tableau, sa
composition et veillait à son accomplissement, à sa
ressemblance rigoureuse au codes et au modèle parfait.
La peinture de Paris ne vient pas de l’accomplissement d’un projet,
mais plutôt du déroulement d’un processus ; ce qui vient
ou plutôt se passe, est de nature imprévisible et
inattendue, ne « colle » pas à la figuration ; sa
peinture est « dans l’esprit de » , dans la consistance de
ces choses ( drapés, ciels, anges, Vierge…) et veille à
laisser à ces choses l’inépuisable dont elles sont
faites.
La recherche de la forme idéale débouche chez Champaigne
sur un tableau plein, où tout est peint.
Paris se plie à la mouvance et aux correspondances des choses,
et cela donne une peinture faite de vides et de pleins, évitant
par là l’écueil de réduire une chose à elle
seule, séparée, étouffée, sans respiration.
Chez Champaigne les figures de La Vierge et des anges, expriment ce qui
les animent intérieurement et tous jouent comme des acteurs
selon un rhétorique codifiée.Paris sort ces mêmes
figures du jeu auquel elles semblaient attachées, et elles nous
montrent alors leurs flux internes, leur animation.
Claire Lamy
Conservatrice en chef des
bibliothèques
|
|
|
|